XIXe-XXIe siècles
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Georges Bataille – pour qui la «communication profonde veut le silence» – a successivement défendu et désavoué l’auteur du Journal du voleur. Des deux articles qu’il lui consacre, le second est le seul qui ait connu une postérité, car il figure dans
La Littérature et le Mal. La teneur en est nette et sans appel: l’œuvre de Jean Genet est un «échec», elle contrevient aux exigences de la communication. Une telle sévérité tranche avec la défense sans réserve, quelques années plus tôt, de Haute Surveillance. Pour quelles raisons Bataille révise-t-il de manière si drastique, entre 1949 et 1952, son jugement sur Genet? L’objet de cet essai est d’éclairer le mystère de cette volte-face. Outre l’effet majeur de l’intervention de Jean-Paul Sartre et de sa préface, Saint Genet, comédien et martyr, François Bizet interroge la possibilité d’un rejet plus profond, lié au jeu des affects, que seul un examen attentif des textes, replacés dans le contexte intellectuel qui les a suscités, peut faire apparaître. Ce qui est appelé ici «communication» sans échange ne désigne toutefois pas seulement les rapports complexes et conflictuels des deux philosophes, mais bien la relation littéraire telle que la concevait le poète Jean Genet, lequel, dans les années 1960, las de la polémique dont il avait été l’objet, déclarait écrire «pour l’innombrable peuple des morts».
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Premier roman de Charles Didier, publié en 1833, «Rome souterraine» retrace la tentative de soulèvement d'une poignée de «carbonari» après la mort du pape. Il connut huit éditions successives au XIXe siècle et de multiples traductions en Europe, avant de tomber dans l'oubli. En proposer pour la première fois une édition critique, c'est attirer l'attention sur l'intérêt qu'il peut continuer de susciter, tant sur le plan littéraire que sur le plan sociologique et idéologique. «Rome souterraine» s'inscrit dans un genre, le roman historique, alors en pleine expansion, dont il s'affranchit aussitôt puisqu'il se déroule sur fond d'histoire contemporaine. L'écriture efficace, le sens de l'observation, parfois même le sens de l'humour, en rendent encore la lecture attrayante. L'évocation de la ville et de la campagne environnante échappe aux clichés ; enfin, le cardinal de Pétralie, personnage central, constitue peut-être la plus passionnante figure de prêtre de la littérature du XIXe siècle.
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Rodolphe Töpffer est nommé en octobre 1832 professeur de rhétorique à l’Académie de Genève. Il devient ainsi un notable dans la République, et côtoie désormais ses amis George Maurice, David Munier et Abraham Pascalis, qui l’ont précédé dans leurs chaires respectives. Ce troisième volume de la «Correspondance complète» contient les lettres pleines d’humour (et parfois de méchancetés sur quelques collègues) qu’il adresse à son cher ami David Munier, ainsi qu’à Auguste de La Rive, professeur de physique, avec lequel il se liera peu à peu d’une amitié profonde. Durant les années 1833 à 1838, Töpffer ne sera pas qu’un directeur de pensionnat et un professeur d’Académie. Il devient aussi un auteur, et les diverses Nouvelles qu’il publie (la plupart dans la «Bibliothèque universelle de Genève») lui assurent une renommée qui dépasse les frontières du canton. C’est ainsi que l’un de ses chefs-d’œuvre, La Bibliothèque de mon oncle, lui attire des lecteurs célèbres: Joseph de Maistre en France, Alexandre Vinet à Bâle, Heinrich Zschokke à Aarau lequel traduira en allemand les Genfer Novellen, attribuant par là un nom aux «Nouvelles genevoises». Töpffer publie aussi les trois premiers albums en estampes: «M. Jabot, M. Crépin, M. Vieux-Bois», rapidement contrefaits à Paris, ce qui le navre, et le rend très prudent dans la distribution des exemplaires des récits des «Voyages» qu’il entreprend une ou deux fois par an avec ses élèves. Cette vie très remplie se trouve explicitée par les lettres qu’édite Jacques Droin, lesquelles font également la part belle à sa femme et à ses trois enfants.
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Musset libertin ? Alors que le romantisme est à son apogée, «l’enfant du siècle» rêve de Louis XV et de Casanova. Sa nostalgie pour un monde révolu, imaginé d’après la littérature, a quelque chose d’anachronique et en même temps de révolutionnaire. L’élégance insolente et la sensualité du XVIIIe siècle rajeunissent sous sa plume, rehaussées par une touche de poésie toute personnelle. Son œuvre en retire une grande liberté de pensée et de langage, comme un léger parfum de scandale. Musset joue en virtuose des sous-entendus du discours libertin puisant dans un riche intertexte qui va de Marivaux à Louvet de Couvray, en passant par Crébillon fils et Laclos. Il en retient notamment l’art de jouer avec le lecteur, en vue d’établir avec lui un rapport tout à la fois de complicité et de défi. Pris dans les chassés-croisés de la séduction et du retrait, de l’aveu et du déni, ce discours postule l’ambivalence entre cynisme et sentimentalisme. Il suggère une secrète parenté entre double sens libertin et ironie romantique. Ainsi, de la reprise au dépassement du modèle hérité du siècle des Lumières, l’œuvre de Musset trouve la voie de son originalité et de son charme.
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"Littérature contemporaine et "histoires" de l’art" montre en quoi l’intérêt porté par les écrivains occidentaux aux arts plastiques s’est profondément renouvelé depuis la dernière décennie du XXe siècle. Au lieu d’avoir pour horizon les pratiques artistiques contemporaines, les œuvres de fiction se ressourcent désormais dans le passé de la peinture, parfois au plus lointain du patrimoine européen. Cette reconnaissance conditionne l’émergence et l’essor d’un nouveau paysage littéraire, qui relance la question de la transmission du savoir artistique et de l’identité culturelle. Lorsque l’expérience actuelle de la peinture ancienne confère une valeur éthique à la mémoire, une dimension existentielle à l’esthétique, sollicitant l’imaginaire pour devenir résolument anachronique, le parcours critique ainsi ouvert dans la discipline historique de l’art permet d’en proposer une autre approche, voire d’autres généalogies. Pratique littérale d’une esthétique de la réception, elle prête l’oreille au public anonyme de tous temps comme de tous lieux, féminin souvent. De l’enseignement universitaire à la manière d’écrire les vies d’artistes ou d’exposer la peinture, c’est l’univocité du r©cit historique de l’art (fondant à la fois les jugements de goût, les institutions culturelles et les modes de connaissance) que les écrivains réévaluent aujourd’hui. Romans policiers, regards viatiques et fictions iconographiques élaborent un esthétique anthropologique de la culture occidentale pour tenter d’en restituer la voix et les gestes perdus, mais également le potentiel méconnu. Aux flux envahissant d’images aussi rapidement consommées qu’oubliées, ces récits contemporains opposent une résistance en recomposant – à travers peintres et peintures d’autrefois – la langue de leurs attentes.
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Accréditant le propos de Barthes selon lequel «la modernité commence avec la recherche d’une littérature impossible», l’œuvre de Mallarmé se présente comme création ex nihilo: elle advient à partir d’un manque, d’un vide, d’un «rien» que le poète désigne comme «la pièce principale» du «mécanisme littéraire». L’origine de la voix poétique se profile en effet comme un néant sonore, un «creux néant musicien» où le vide devient un espace de résonance pour l’esthétiue de la virtualité qui, des Poésies à l’élaboration du «Livre», s’y déploie subtilement. Aussi, cet essai interroge-t-il les orientations suivies par Mallarmé pour nourrir les questions aiguës que l’œuvre nous pose encore aujourd’hui: comment l’impossibilité peut-elle être fondatrice de la création littéraire? Ou plutôt: comment, aussi chargée qu’elle soit de réminiscences, l’écriture poétique peut-elle naître du fait même de son impossibilité, voire de la reconnaissance lucide de son impossibilité, si ce n’est de la déclaration et de la visée même de son impossibilité? Avec la traversée mallarméenne des paradoxes et des apories, Eric Benoit éclaire les points nodaux d’une esthétique qui réclame la participation du lecteur. La réflexion proposée prend d’abord corps dans le recueil des Poésies, puis aborde les poèmes en prose, la Dernière Mode, les feuillets du Tombeau d’Anatole, avant les projets du «Livre» rêvé lui-même comme à la fois nécessaire et impossible, horizon inaccessible d’une aventure littéraire dont l’enjeu aura pourtant été le salut de l’homme et du monde.
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Parce qu’elle offre un plaisir littéral, celui de la fable, et promet en même temps un sens dissimulé sous la séduisante enveloppe du récit, l’allégorie prend place au plus près des formes romanesques. De fait, elle ne doit pas être entendue seulement sur le plan stylistique, mais comme une figure qui structure en profondeur Les Rougon-Macquart et sollicite ainsi le lecteur. Eléonore Reverzy montre en effet comment Zola se bat avec l’idée ou plus exactement avec les formes qu’il choisit pour en concrétiser la mise en intrigue. La question de la clarté s’avérant particulièrement riche d’implications pour l’esthétique naturaliste, l’allégorie est interrogée ici comme facteur de lisibilité. Et là où le romancier déclare que ses personnages «racontent le second Empire, à l'aide de leurs drames individuels», La Chair de l'idée expose la manière dont la construction allégorique se déploie dans divers champs : l’histoire, dont l’écriture motive les grands déplacements analogiques, la philosophie ou l’éthique zolienne qui justifient le recours à de multiples procédés d’incarnation, enfin la représentation de la création artistique. Aussi, est-ce un roman « pensif » que cet essai fait le pari de lire dans Les Rougon-Macquart.
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Les documents rupestres présentés appartiennent à deux sites sahéliens proches, ayant en commun une population et une culture touarègues semblables.
C’est le premier document épigraphique publié de cette nature, constitué de deux corpus déchiffrés et en grande partie traduits. Les signes alphabétiques appartiennent aux alphabets touaregs contemporains bien connus. Ils notent un parler touareg (berbère) spécifique des régions sahéliennes.
Ce travail a été fait au sein du groupe de recherche « Répertoire des inscriptions libyco-berbères » (RILB), pôle d’investigation interne au séminaire « Libyque et berbère » dirigé par le professeur Lionel Galand à l’École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques, à la Sorbonne.
Les auteurs relèvent administrativement de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Mohamed Aghali-Zakara est enseignant-chercheur l’Inalco où il dispense des cours de berbère (touareg). Professeur invité à l’Institut universitaire oriental de Naples (Italie), il y dispense un enseignement sur « Histoire et culture du Sahara et du Sahel ». Il a publié divers travaux surle monde touareg – langue, psycholinguistique, littérature et écritures libyco-berbères – ainsi qu’en sciences de l’éducation.
Jeannine Drouin, directeur de recherche au CNRS, a publié de nombreux travaux de linguistique, littérature et épigraphie berbères ; elle a enseigné l’ethno-sociologie du Maghreb à l’université René-Descartes–Paris V et la littérature berbère à l’Inalco.